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HENDAYE
Avant l’été 36 .... L’année 1931

 Par le Dr Pierre Léon Thillaud


Le 14 avril 1931, deux jours après les élections municipales qui ont donné la majorité à une coalition antimonarchiste, l’Espagne proclame la Deuxième République qui ne connaitra que le désordre, la haine et les rivalités et  ne s’achèvera, exsangue, qu’en 1939, au terme d’une abominable guerre civile.
En janvier 1930, le général Primo de Rivera ayant perdu ses soutiens s’était retiré laissant l’Espagne sans véritable gouvernement aux prises avec les conséquences du krach de Wall Street. Le 17 août 1930, tout ce que l’Espagne recélait d’opposants à la monarchie : socialistes, syndicalistes, autonomistes catalans et basques, s’accordaient sur le pacte de San-Sebastian prévoyant l’avènement de la république. L’année suivante, les élections du 12 avril leur donnent une écrasante victoire mais sont entachées par de multiples révoltes populaires faisant déjà de nombreuses victimes, tout particulièrement dans le clergé catholique. Deux jours plus tard, Alphonse XIII quitte le royaume.

De Hendaye, la Grande Histoire ne retiendra pour ces périodes troubles que ses mérites dans l’accueil exemplaire qu’elle réserva à la masse considérable de réfugiés vaincus et démunis qui, franchissant la frontière à pied par les ponts de Santiago et de Béhobie ou à la rame par Xingudi, déferla sur la ville au cours de l’été 1936
Pour expliquer cette attitude vertueuse qui étonna la France et bien des ambassades qui furent nombreuses à venir observer ce phénomène, il convient très certainement de rappeler les liens si particuliers qui de tous temps et en toutes circonstances ont unis les populations bordant Xingudi. Depuis longtemps déjà, chaque fois que les deux royaumes de France et d’Espagne se décidaient à la guerre, les riverains de la Bidassoa convenaient de dispositions propres à garantir la sécurité des personnes et des biens comme celle de leurs échanges commerciaux.
Une autre explication mérite tout autant d’être retenue. Elle tient à la communauté d’esprit qui unissait alors la municipalité de Hendaye aux promoteurs d’une république en Espagne.

Depuis 1924, bon nombre d’opposants au régime de Primo de Rivera se réfugient à Hendaye. Parmi les plus prestigieux on trouve Miguel de Unamuno (1864-1936), poète, romancier, dramaturge et philosophe et José Ortega y Gasset (1883-1955), philosophe, sociologue, homme de presse et homme politique. Au cours de cet exil, ils organiseront au profit des Hendayais plusieurs conférences comme celles des 23 août et 8 décembre1925, au Casino, sur le thème des Droits de l’Homme. Le 9 juin 1926, un banquet réunissant plus de 220 convives venus de Bilbao, de Vitoria et de Saint-Sébastien, est organisé par Ortega y Gasset à l’Hôtel Eskualduna en l’honneur des succès littéraires d’Unamuno. A partir de l’année 1930, plusieurs autres réfugiés antimonarchistes s’installent à Hendaye. A n’en pas douter, ces réfugiés politiques bénéficient d’une grande liberté d’action et, manifestement, du soutien de la municipalité de Hendaye.
Son maire, Léon Lannepouquet est républicain, radical-socialiste très exactement. Elu pour une première mandature en 1919, durant laquelle il assura les fonctions de premier adjoint de la municipalité Choubac, il accéda au poste de maire en 1925. Son implantation à Hendaye est à cette époque incontestable au point que le 5 mai 1929, la liste « Union des Gauches » qu’il conduit est seule à se présenter aux suffrages des 1300 Hendayais inscrits. Parmi les 1066 votants et les 1027 suffrages exprimés, elle recueille ... 1015 voix !

C’est dans ce cadre résolument républicain que Hendaye entame l’année 1931.
Le 29 janvier, la reine d’Espagne qui se rend à Londres reçoit à la gare les compliments du préfet des Basses-Pyrénées, Monsieur Mireur.

 
Le 11 février, la gravité de la situation politique espagnole conduit les autorités françaises à procéder à une réorganisation profonde de la police à Hendaye. Monsieur Delfour, officier de police judiciaire est mis en congé pour raison de santé. Monsieur Guillemot, venu de Marseille, est nommé inspecteur de police spéciale et Monsieur Cavaillé, venu de Montpellier, inspecteur principal. Ces mutations démontrent bien que la France prend très au sérieux les mouvements qui secouent sa voisine...
Deux jours plus tard, plusieurs réfugiés « républicains » dont Prieto, Falcon, Ayuso et Linazosoro, sont invités à quitter Hendaye pour une résidence dans le nord de la France qu’ils devront indiquer aux autorités françaises. Les milieux républicains espagnols commentent avec nervosité cette décision. On pense qu’ils partiront en Belgique ou, ce qui aujourd’hui peut nous étonner, en ... Allemagne. Les loges maçonniques et les républicains de Saint-Sébastien en appellent même à Gaston Doumergue, cet autre républicain, pour quelques semaines encore président de la république, au nom de l’amitié franco-espagnole ...

 
Les jours suivants, arrivent à Hendaye les rumeurs d’une abdication d’Alphonse XIII. L’Espagne s’agite toujours plus. Certains crient déjà : « A bas la monarchie » tandis que Alcala Zamora déclare : « La solution : la république ! ».
Quelques jours après les élections municipales du 12 avril qui donnent à l’alliance disparate que seul l’antimonarchisme rassemble, une majorité dans 41 capitales régionales sur 50, les événements se précipitent. Si Pampelune élit 17 monarchistes pour 11 républicains ; Saint-Sébastien choisit 28 républicains contre 6 monarchistes ; Vitoria, 15 républicains et 9 monarchistes tandis que Bilbao donne une écrasante majorité aux républicains.

 
Le 15 avril au soir, la Reine d’Espagne et sa famille s’arrêtent à nouveau quelques instants en gare de Hendaye. Cette fois, pour l’exil. Une foule se presse pour les saluer. Le lendemain, en sens inverse, Indalecio Prieto, ancien opposant réfugié à Hendaye puis expulsé de la cité mais désormais ministre de la Deuxième République, fait une halte comparable avant de rejoindre Madrid. Une foule se presse pour l’acclamer. Beaucoup devaient être déjà là la veille ...

 
Le même jour, les ultimes déclarations du roi arrivent à Hendaye.  « ...Les élections qui ont eu lieu dimanche 12 avril me révèlent que j’ai perdu aujourd’hui l’amour de mon peuple. Ma conscience me dit que cette désaffection ne sera pas définitive parce que j’ai toujours fait en sorte de servir l’Espagne. Je ne renonce à aucun de mes droits parce que miens, ils sont le dépôt accumulé par l’histoire et que j’aurai à rendre un jour un compte rigoureux de leur conservation ... ».

 
Le 11 mai, la loi martiale est promulguée par la République. Le passage de la frontière n’en est rendu que plus difficile. Les vexations de la part de la douane espagnole se multiplient. La France avertit la République nouvelle qu’elle court le danger de se mettre au ban du tourisme international. Visites complètes voire indécentes avec déshabillage ne sont pas rares. Une famille invitée à Biarritz est ainsi retenue plus de 3 heures à la frontière ...

 
Ceci étant, la violence s’installe chez nos voisins immédiats. Le 28 mai, de sanglants incidents surviennent à l’occasion d’une manifestation communiste. Partis de Renteria, 3000 manifestants se heurtent à l’entrée de Saint-Sébastien aux forces de la Guardia Civil qui ouvrent le feu et tuent 5 hommes. Le 16 juin, Pampelune s’enflamme à la faveur d’une manifestation organisée par les partisans du prétendant carliste Don Jaime Bourbon qui se cacherait près de la capitale navarraise.
 

 

Malgré le grand désordre qui règne en Pays Basque Sud, la Société des Etudes Basques fait connaître le 4 juin, l’avant-projet du Statut autonomiste du Pays Basque. «... Le Pays Basque comprenant l’Alava, la Biscaye, le Guipuzcoa et la Navarre formera un Etat autonome dans le cadre de l’Etat espagnol. Le pouvoir législatif du nouvel état appartiendra au Conseil général de 80 délégués des Assemblées des 4 provinces. Le pouvoir exécutif sera confié à une Commission exécutive avec un Président qui siégera à Vitoria. Les fonctions judiciaires du Pays Basque seront remplies par des magistrats de l’Etat autonome avec une Cour suprême siégeant à Pampelune. La souveraineté de l’Etat basque s'étendra à la législation, au régime économique (impôts, emprunts, budget), à la sécurité publique et la défense comprenant la police, l’armée et la marine. Les troupes basques porteront l’appellation de milices basco-navarraises et tiendront garnison dans le pays en temps de paix. Resteront de la compétence de l’Etat espagnol : les parties de la Constitution de la république relatives à la forme du gouvernement, les cultes, les relations extérieures, les douanes, les PTT et la monnaie. Enfin, la langue nationale des Basques sera la leur, reconnue officiellement à l’instar du castillan ». Les rédacteurs de ce manifeste ne se doutent certainement pas que leurs exigences ne seront satisfaites que bien plus tard. Le 5 novembre 1933, un référendum permet à 3 provinces sur 4, la Navarre ayant voté contre, d’obtenir un statut d’autonomie bien édulcoré. Il leur faudra attendre le 1er octobre 1936 pour que la République, constatant la chute de Saint-Sébastien et la victoire du général Francisco Franco en Pays Basque, leur concède une autonomie plus affirmée.
 

 

Les élections législatives de juin 1931 confirment le succès des républicains espagnols. Une majorité de gauche règne désormais à l’assemblée nationale des Cortes. Les incertitudes et les violences politiques ne cessent pas pour autant. Mais Hendaye n’est plus directement associée à ces événements comme elle le fut tout au long de ce premier semestre 1931.
Le 14 juillet suivant fut marqué d’un événement peu connu qui porte témoignage de l’action bienfaisante des Hendayais en faveur de leurs voisins outre-Bidassoa et du fort sentiment de reconnaissance de ces derniers.
La municipalité d’Irun choisit ce 14 juillet 1931 pour rendre hommage à la généreuse population de Hendaye en la personne de son maire. La municipalité de Hendaye se rendit au pont international pour accueillir les édiles d’Irun qui arrivèrent précédés de leur Banda Municipal. Le cortège traversa la ville décorée aux couleurs françaises et espagnoles et gagna l’hôtel de ville où les discours furent diffusés sur la place de la République par 4 hauts parleurs.

 
Léon Lannepouquet prit le premier la parole :« ...il souhaite la fraternelle bienvenue et les remerciements les plus sincères pour la délicatesse d’avoir choisi la date mémorable du 14 juillet pour resserrer les liens d’amitiés qui n’ont jamais cessé d’unir les deux villes sœurs ». Il évoque ensuite le 142ème anniversaire de la prise de la Bastille : « ...cette victoire a été complétée par la vôtre toute récente du 14 avril 1931 et tous les démocrates saluent la République espagnole que méritait tout un peuple, dont les qualités de cœur et de travail faisaient le meilleur candidat aux droits de liberté que seul un régime démocratique peut conférer. Honneur à vous, démocrates espagnols, d’avoir su doter votre admirable patrie du régime offrant les meilleures garanties de liberté et de justice, et cela sans violence, confirmant ainsi aux yeux du monde, un degré de civilisation qui a provoqué l’admiration de tous et ennobli votre peuple qui saura demain défendre les institutions qui sont à la base d’une république ».



Monsieur Salis, maire d’Irun prononça en français une brillante allocution et fit l’historique de la République espagnole. Il termina en rendant hommage à la population hendayaise et à son vaillant maire. Il remit à Léon Lannepouquet un magnifique souvenir offert par souscription publique auprès de la population d’Irun et son Conseil municipal. Cette garniture de bureau trônera jusqu’en 1945 sur le bureau du maire. Un parchemin conservant le témoignage de reconnaissance de la ville d’Irun, portant la signature de l’ensemble des membres de la municipalité et décoré par Max Mich, le père du regretté abbé Michelena bien connu des Hendayais, fut également remis au maire.



 

 

Diplôme de reconnaissance du peuple d’Irun à la

 population de Hendaye en la personne de son maire.

On distingue les signatures des élus irunais ainsi que

la signature de l’artiste ...Max Mitch (Michelena).



Le maire de Hendaye ému devant cette marque de sympathie remercia dans les termes suivants : «Devant les populations frémissantes des deux villes sœurs réunies devant vous, je viens encore vous adresser mes remerciements les plus sincères pour la manifestation de sympathie qui honore à la fois la démocratie et l’un de ses modestes serviteurs. Votre hommage souligne l’attitude de la ville de Hendaye à l’égard de vos humbles réfugiés, pionniers de la république en Espagne et victimes d’un exil douloureux où la souffrance morale dominait toutes les autres. Permettez- moi de vous dire que j’ai simplement rempli un devoir d’hospitalité, pénétré des sentiments de justice et de liberté que tout démocrate doit mettre au service de ses actes. Je veux saluer particulièrement Messieurs Unamuno, Indalecio Prieto, Ortega y Gasset, Barrios et Ayuso, auxquels les destinées de la noble Espagne sont aujourd’hui conférées. En saluant tous ceux qui ont souffert de l’exil, je veux rendre un hommage tout spécial à Don Léon Iruretagoyena. Don Léon que votre grande modestie nous pardonne, mais je dois dire que votre souvenir et celui de tous les Irunais demeureront impérissables parmi nous pour votre noble attitude pendant la grande épreuve de 14-18, alors que les pères étaient exposés aux affres de la guerre, vous avez évité à nos vieillards, à nos femmes, à nos enfants de nombreuses privations en partageant votre pain avec eux. Irunais, que tous nos actes, faits de collaboration étroite, continuent à resserrer les liens qui unissent nos villes sœurs et nous contribuerons ainsi à faire triompher les principes qui nous sont les plus chers. En terminant, j’adresse à toute la colonie espagnole résidant depuis de longues années à Hendaye ma reconnaissance pour la part active qu’elle n’a cessé d’apporter au développement de ma chère ville, faisant aimer davantage la Noble Espagne à laquelle nous exprimons toute notre sympathie. Vive Irun, vive la République espagnole ».

Le maire d’Irun donna ensuite lecture de deux télégrammes reçus.


Le premier, signé Indalecio Prieto, ministre des Finances : « Je n’oublierai jamais que pendant les heures d’amertume de l’expatriotisme, le noble maire de Hendaye a toujours été à nos côtés. Comme preuve de gratitude, je m’associe de tout cœur à l’hommage du peuple irunais au populaire magistrat de la ville voisine française ».
Le second, signé Martinez Barrios, ministre des Travaux publics : « Je vous prie de joindre mon adhésion à l’hommage de la population irunaise au maire de Hendaye. Nous n’oublierons jamais l’accueil généreux et l’appui que les émigrés espagnols ont trouvé chez lui ».
Un champagne d’honneur fut ensuite offert aux édiles irunais alors que sur le kiosque les musiques des villes sœurs fraternisant dans l’enthousiasme jouaient la Marseillaise et l’hymne de Piejo.


C’est sur ces airs de fête que chacun se quitta. L’Espagne poursuivit son chemin chaotique vers l’Enfer tandis que la France chemina insouciante et tout aux délices de la Valse des Ministères jusqu’au Front Populaire et à la ...guerre.
La vie républicaine de Hendaye reprend son cours paisible.
Le 8 septembre, le théâtre des Variétés accueille un militant socialiste exemplaire, membre éminent de la SFIO pour une conférence intitulée : « La crise économique actuelle, ses causes, son remède ». Il s’appelle Marcel Déat. Il est normalien, agrégé de philosophie et ancien député. Il votera les pleins pouvoirs au maréchal Pétain et sera ministre du Régime de Vichy puis sera condamné à mort par contumace mais ne s’éteindra qu’en 1955 derrière les hauts murs d’un couvent italien...
Le 19 octobre, Léon Lannepouquet accède au Conseil Général en remportant le siège du canton de Saint-Jean de Luz avec 2740 voix contre le candidat luzien, Barnetche qui ne recueille que 2128 suffrages.
Le 22 décembre, il neige sur Hendaye ....


Sources : Le Sud-Ouest Républicain, année 1931 (Bibliothèque Nationale, cote : Jo 90443).

Journal du soir, créé en 1910 ayant pour directeur politique Joseph Garat qui sera maire de Bayonne durant la période des années 30. Le 2 janvier 1925, le journal prend comme nouveau titre : Le Sud-Ouest, Journal de Bayonne et de la Côte Basque. Ce quotidien de tendance radical-socialiste n’avait alors comme seul vérit
able rival que le journal de droite intitulé : Le Courrier de Bayonne, de Jean de l’Espée, dirigé par Henri-Paul Joinaud.

 

                  

Fête Basque 1931Prévue le 31 août, elle fut repoussée en raison du ... mauvais temps au 7 septembre. Léon Lannepouquet, maire de Hendaye, ici en Xamara et muni de son makila, fut en 1930, à l’origine du rétablissement sous une forme renouvelée de cette fête qui exista quelque temps autour des années 1900. Accueil de l'abbé Emile Garat, nouveau curé à Hendaye, accompagné du chanoine Bellevue, par la municipalité en 1941. Le maire, Léon Lannepouquet lui adresse la bienvenue. La scène se déroule devant les terrains d'Irandatz, à la hauteur de la maison "Tu et You".