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Aragorry, Ondaraïtz, Sokoburu : la Plage

Dr Pierre L. Thillaud



Combien parmi les baigneurs venus de Txingudy ou d'ailleurs, savent qu'il y a moins de 150 ans, Hendaye-plage n'était que dunes et marécages infestés de moustiques ? Seule, une chapelle ruinée, dédiée vers le milieu du XVIIème siècle par une confrérie de marins à sainte Anne, peuplait alors ces lieux dévolus à la pêche et au ramassage des algues sinon ... aux fantasmes du juge de Lancre qui, en 1602, se persuada qu'ils furent le domaine des sorcières et le site choisi de leurs fêtes sataniques. Il se peut que la modeste chapelle, bien malmenée au cours de la Révolution, ait bien eu pour objet de conjurer cette sinistre méprise qui valut à quelques dizaines de Basques de périr sur le bûcher.

 

Hendaye-plage comme sa sœur Hendaye-ville bénéficièrent d'un même événement survenu en 1864 : l'arrivée du chemin de fer, les ouvrant à ...Paris et aux modernités du XIXème siècle.

 

L'année suivante, Antoine d'Abbadie d'Arrast (1810-1897), grand bienfaiteur de la commune et, plus encore de la langue basque, fait bâtir son "château néo-gothique" dessiné par Viollet-le-Duc, sur le promontoire d'Aragorry. Dès lors, tout se précipite.

 

Le 9 janvier 1865, MM. Ameline et Couret obtiennent de la commune une concession de neuf ans dans les dunes pour y installer le premier établissement de bains de Hendaye. En 1869, le chemin reliant la ville à la "plage" est élargi mais passe toujours par le Bas-Quartier. Les pierres du Vieux-Fort ne serviront à franchir, en un pont, le port de Belcenea qu'en 1891. Le 2 août 1879, la "Société d'exploitation des bains de la plage d'Hendaye" crée un deuxième établissement de bains, tout en bois, composé de trente cabines mais doté d'un restaurant-buvette. Celui-ci s'établit au pied du monticule qui, bien plus tard, accueillera un établissement sanitaire : le Nid Marin (1919).

 

Les projets d'aménagements se multiplient, mais ce n'est qu'en 1881 que la "Société civile immobilière d'Hendaye-Plage" s'en voit confier une première réalisation. La construction d'un casino "mauresque" (1884), d'un mur de protection et du Grand hôtel Continental et de la Plage (1885), dont seul subsiste le couple de lions qui surveillent encore la route de la plage (bd du Gal Leclerc), eurent vite raison de cette première entreprise.

 

C'est dans cette situation que M. Martinet, fondateur véritable de la "station balnéaire" reprit en 1904 l'affaire. Dès 1906, un tramway Decauville à vapeur assure la liaison gare-plage ; durant la saison, il tire jusqu'à deux voitures. Son électrification sera accomplie en 1908. Un cahier des charges, établi dès 1907, exigeait des bâtisseurs qu'ils adoptent pour leurs villas le "style basque". Beaucoup le firent. Bien vite pourtant, cette unité fut rompue. A la veille de la Grande Guerre, de petits immeubles vinrent se mêler aux villas et aux hôtels, principalement aux abords du rond-point du"Palmier" qui venait d'être désigné comme le centre commerçant de cette ville nouvelle. A cette époque, la rue des Magnolias bordait la baie de Txingudy. Sokoburu, ancien cordon littoral, restait contenu entre la rue des Mimosas et le boulevard de la Mer et ne s'étendait guère au-delà de la villa saint Vincent. En 1925, un pont reliant Fontarabie à la "Pointe" fut très sérieusement projeté. Le 6 septembre 1928, Alphonse XIII posa même chez notre voisine la première pierre d'un édifice qui devait être majestueux, mais les autres ne vinrent point....

 

A partir de 1910, "La foncière de Hendaye et du sud-ouest" entreprend avec le soutien constant de la municipalité, la réalisation des projets "grandioses" imaginés par Martinet. L'Institut de France, légataire d'Abbadia, accueille un golf de 18 trous sur les pelouses du domaine (1910) ; l'hôtel Eskualduna s'élève pour recevoir sa clientèle fortunée (1911) ; le Parc des sports ouvre ses tribunes de bois peint (1912) ; dans le même temps le mur de protection se prolonge en direction des Deux Jumeaux; le casino s'agrandit pour abriter le dancing "Ramuntcho" (1919) ; la "Réserve" d'Haïçabia inaugure ses "après midi et soirées" qui feront quelque temps danser la " Haute société" vers la fin des Années Folles (1928) tandis que la route de la Corniche se glisse le long des rails du V.F.D.M. qui relie Hendaye à Biarritz depuis 1925.

 

Une digue enfin prétend gagner du terrain sur la baie de Txingudy, en traçant sa courbe  depuis Sokoburu jusqu'à Belcenea. Par bonheur, cette phase ultime débutée en 1927 et si nécessaire à l'équilibre financier de la "Foncière", fut engloutie dans la crise de 1936 et l'avènement des .... "congés payés". Démissionnaire du Conseil municipal dès 1924, Martinet fut contraint à la faillite en 1934. Mais en 30 ans, cet homme qui fut adulé et maudit, soutenu puis combattu, avait conçu et bâti une ville: Hendaye-plage.

 

Pour autant, les "embellissements" se poursuivirent avec, entre autres, l'agrandissement définitif de l'église sainte Anne (1920 et 1938).

 

Entre-temps, la ville de Hendaye, récompensée de sa ténacité dans un contentieux qui l'opposait depuis plus de trente ans à sa voisine Urrugne, vit en 1896 son territoire agrandit des terres de Subernoa, composées aux deux-tiers du domaine d'Abbadia. En 1899, l'Assistance Publique de la ville de Paris installe sur sa plus belle part, en front de mer, un sanatorium. C'est ainsi qu'à l'extrémité est de la plage émergea toute une "cité de pavillons" destinés à recueillir quelques mois les petits Parisiens "convalescents rachitiques, scrofuleux et candidats à la phtisie".

 

Quoi qu'en pensèrent les touristes chagrins qui, à l'image d'un Pierre Loti, le trouvait "envahissant" -ce qui justifia que longtemps des assurances sur la non-contagiosité de ces "malheureux bambins" furent largement diffusées dans les brochures du Syndicat d'initiative-le "Sana" fut et demeure, avec ses centaines d'emplois, providentiel pour bon nombre d'habitants désireux de vivre dans leur Hendaye natal.

 

A la veille de la Seconde Guerre Mondiale et déjà profondément marquée par la Guerre Civile qui avait éreinté ses voisines de Txingudy, Hendaye-plage allait devoir changer. Aux fêtes superbes d'une élite peuplée de têtes couronnées, de célébrités comme de demi-mondaines, qui illuminèrent les années 20, succéderont à l'approche des années 50 les animations estivales proposées à un nombre sans cesse accru de vacanciers bien plus modestes. La gestion de Hendaye-plage devenait municipale. Mais ceci mérite une autre histoire...